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BéNéFICIAIRES

Témoignage de Thomas Dreyfus, administrateur de La Table  


S’offrir une sortie au restaurant alors qu’on vit avec des moyens très limités ? C’est un luxe inenvisageable. Quand chaque euro compte, avoir une vie sociale, se faire des petits plaisirs est impensable et oblige bien souvent à un repli sur soi. A Mulhouse, pourtant, La Table – soutenue financièrement par le FAPE EDF – propose une solution. Thomas Dreyfus, l’un de ses administrateurs, nous explique de quoi il s’agit. 

« L’association Cité Solidaire est née en 2008 à l’initiative de femmes du quartier de la gare de Mulhouse qui voulaient créer un restaurant solidaire : la Table de la Fonderie. Nous pratiquons deux et même trois tarifs, selon les moyens de chacun. Chez nous un repas sain et équilibré coûte 13 € en tarif plein, 6 € en tarif solidaire, voire 0 €. Les personnes qui paient plein tarif peuvent en effet régler 6 € supplémentaires pour offrir un bon pour un repas gratuit. C’est l’ADN du projet. L’idée est de créer du lien social, que les populations se mélangent, discutent, sans savoir qui paie combien ».

Changer d’échelle pour être économiquement viable

Ce projet s’est constitué dès l’origine sous forme de chantier d’insertion et le restaurant ouvre uniquement le midi. L’équation économique se complique rapidement car le restaurant a une capacité de trente couverts uniquement. « Après avoir retourné la question dans tous les sens et imaginé divers scenarii, on a décidé de changer de lieu pour disposer d’une salle plus grande permettant d’accueillir plus de monde et mieux situé géographiquement ». C’est ainsi que la Table de la Fonderie entre en relation avec l’association qui gère le restaurant le Pax à Bourtzwiller, sur le point de cesser son activité et situé dans un quartier dépourvu de structure d’insertion. L’atout du Pax est qu’il livre aussi des repas pour les crèches des alentours. Une opportunité d’accroître ses ressources que La Table de la Fonderie saisit. Elle s’y installe le 1er janvier 2017 et, au passage, change de nom pour s’appeler La Table. Dès le 3 janvier, elle livre ses premiers repas. « On livre 350 repas chaque jour de l’année aux crèches. On est la seule cuisine centrale de la région à être de si petite taille. Nous avons face à nous trois mastodontes mondiaux du marché qui eux tournent à 15000 repas/jour minimum ». Un changement d’échelle qui nécessite d’étoffer l’équipe en cuisine et celle en salle. « On a embauché des personnes du coin. Pour nous c’est très important de recruter en proximité ».

Solidarité à la caisse, mais aussi en cuisine

« On propose exclusivement du frais, pour des repas de qualité. Ca nous permet de former notre personnel, d’autant qu’on est soumis à des normes d’hygiène très strictes concernant la livraison des repas. Tous les produits, toutes les étapes de l’élaboration des repas et l’ensemble des mesures d’hygiène doivent être tracés. Ca nécessite que chacun au sein de l’équipe soit conscient de toutes les règles et en comprenne le sens et l’impact. On recrute des personnes éligibles au CDDI, I pour insertion. A savoir, des allocataires du RSA, de l’ASS* ou des personnes ayant une reconnaissance de travailleur handicapé, ou des chômeurs de longue durée**. En arrivant, ils ne connaissent pas du tout la restauration. Très souvent, ils trouvent du travail à l’issue de leur CDDI ». Chaque personne est accompagnée individuellement pour lever tous les freins à l’emploi, monter un projet professionnel, se former, chercher un emploi. Parmi les freins récurrents, Thomas Dreyfus nous explique qu’on trouve les problèmes de logement, de santé, d’argent, voire de casier judiciaire. Et puis, il y a aussi les personnes pour qui le français est une langue étrangère ou encore les femmes isolées avec enfants.

La dignité retrouvée

Un CDDI dure jusqu’à vingt-quatre mois. « Certaines personnes quittent avant, elles rebondissent plus rapidement. Il s’agit durant ces deux ans de se remettre dans le monde du travail et ses contraintes : se lever le matin, respecter des horaires, recevoir des consignes, etc. Ca permet de retrouver une activité professionnelle, se sentir utile, avoir une vie sociale, des collègues. C’est ce que nos salariés nous disent beaucoup parce que quand on est au RSA, on ne sort pas de chez soi. Et puis, pouvoir acheter son pain avec l’argent qu’on a soi-même gagné, pour l’estime de soi c’est énorme. Les personnes retrouvent leur dignité. Sans compter nos clients, qui disent au personnel ce qu’ils pensent du repas qu’ils ont mangé, de la qualité du service. Nos salariés ont un retour direct sur leur travail ».

Le FAPE EDF, un soutien important

« Nos précédentes armoires chaud et froid étaient vieillissantes et sujettes aux pannes. Le financement du FAPE EDF nous a permis d’acheter du matériel pour garantir la chaîne du froid qui est cruciale pour la livraison des repas aux crèches. Depuis trois ans, les financements publics se sont taris. Pour nos investissements, on doit maintenant trouver des partenaires privés comme le FAPE EDF, c’est beaucoup plus compliqué et ça restreint nos capacités ».

Des projets

Thomas Dreyfus et l’équipe de La Table ne manquent pas de projets. Encore peu connue à sa nouvelle adresse, La Table n’accueille pas autant de clients qu’elle le pourrait. Pour la rendre plus attractive et optimiser l’espace, ils prévoient de rénover la salle du restaurant. Côté cuisine, le chef nouvellement arrivé réfléchi à composer une carte principalement végétarienne qui fera la part belle aux protéines végétales et aux fruits et légumes de saison, sourcés localement et au maximum bio.

 

Si vous résidez du côté de Mulhouse ou êtes de passage, pensez aller déjeuner à La Table !

 

* L’Allocation de Solidarité Spécifique (ASS) est accordée aux personnes qui ont épuisé leurs droits au chômage

** Soit plus de deux années de chômage