Le saviez-vous ? Le Fonds Agir Pour l’Emploi EDF contribue à former de futurs dirigeants de structures d’insertion par l’emploi. Chaque année, le partenariat engagé avec l’IRUP, la grande école de l’alternance stéphanoise, permet d’attribuer cinq bourses a de futurs chefs de structures d’insertion… Grâce aux dons des salariés et retraités d’EDF, Madjid Besseghier, 38 ans, a pu reprendre ses études et mener à bien un projet de tiers-lieu à Saint-Chamond, près de Saint-Etienne.
Madjid Besseghier, 38 ans, a toujours eu l’âme d’un passeur. Il ne savait pas, jusqu’à il y a peu, qu’il avait aussi un tempérament d’entrepreneur. Les hasards de la vie font parfois bien les choses… Et il le dit lui-même : son parcours est atypique. « J’ai un diplôme d’électricien dans le bâtiment industriel, mais ce sont plutôt mes engagements bénévoles qui m’ont donné des ailes. Accompagner des jeunes issus de la protection de l’enfance et aussi par le biais du basket, m’a poussé à m’investir notamment auprès des jeunes. »
De l’accompagnement des jeunes en décrochage scolaire au monde de l’insertion
« J’ai commencé comme surveillant dans un collège, et assez vite, j’ai pris en charge un dispositif de prise en charge individualisé. C’est un accompagnement pour des enfants en décrochage scolaire. Un vrai travail de réinsertion par la scolarité, qui m’a conforté dans l’envie de devenir éducateur spécialisé. » Madjid assure des remplacements, il est engagé dans le monde associatif. Ce qu’il recherche ? Une formation diplômante pour évoluer. « J’avoue que reprendre des études après 10 ans d’arrêt, c’est parfois compliqué. Pourtant j’étais motivé, le secteur de l’économie sociale et solidaire a toujours fait sens pour moi. Quand je suis tombé sur une annonce de l’IRUP proposant une formation par alternance de manager de proximité dans l’ESS, j’ai foncé. » Pourtant, en temps de confinement, difficile de décrocher un stage : après de six mois de recherche, il intègre un centre social à Saint-Chamond, à quelques kilomètres de Saint-Etienne.
Du centre social aux bancs de l’Ecole
Saint-Chamond est la deuxième commune de ce bassin houiller de la Loire, avec près de 36 000 habitants. Pourtant ici, aucune structure d’insertion à l’horizon. « Heureusement qu’il y existe quatre centres sociaux, véritables lieux de vie, permettant la mixité », témoigne Madjid. Aides aux devoirs, cours de cuisine, sensibilisation au développement durable, c’est une belle façon de tisser le lien social ». Il travaille d’abord à la réécriture du projet social de l’établissement, puis se voit confier un projet de tiers-lieu. Nous sommes en pleine crise sanitaire, et Madjid met en place des ateliers participatifs qui attirent des jeunes, alors seul public pouvant être accueilli au centre social. « Nous avons ainsi par exemple installé des bacs potagers à l’endroit où un jardin de mineur venait d’être rasé. »
En parallèle, il se professionnalise à l’IRUP et passe devant un jury : « Diagnostic du terrain, montage et gestion du projet, montage budgétaire, ces cours donnent de la hauteur et favorisent l’intelligence collective. J’ai commencé avec trois mois de retard, mais je me suis retrouvé avec une équipe bienveillante, qui, depuis, ne m’a jamais laissé tomber. » La promo regroupe une dizaine de personnes qui, comme Madjid, reprennent des études après des années. « Il y a aussi une question de confiance en soi, et la volonté de construire ce projet de tiers lieu qui peu à peu est devenu le mien. »
Déplacer des montagnes « BRIC après brique »
Madjid a fait évoluer le projet de tiers-lieu que le centre social a pourtant, au final, décidé de mettre de côté. Lui y croit dur comme fer : « J’imaginais un projet sur deux activités – une activité atelier d’insertion autour de la création et de la réparation d’objets récupérés, et un pôle boutique avec une boutique commerciale et aussi une boutique sans argent. » Fin 2021, il décide de continuer sa formation à l’IRUP sur un nouveau cursus, celui d’entrepreneur dans l’économie sociale et solidaire. En parallèle, il postule au programme « Place de l’Emergence » de France Active, qui réunit chaque mois des entrepreneurs engagés, des partenaires du programme, comme le FAPE EDF, des financeurs et des mentors pour des séances de pitchs qui permettront de soutenir financièrement des projets qui ont un impact sur la société. Madjid se lance. « Je n’aurai jamais pu financer seul le projet, cela a permis de structurer l’association que j’ai alors monté, de démarcher la Mairie, d’autres centres sociaux, bref, de déplacer des montagnes ! »
BRIC, tel est le nom de son association pour « Boutique Réparation Insertion Collectif ».
« Il y a une véritable attente des habitants pour ce type de projet. L’économie circulaire est dans l’air du temps, il y a des besoins et des imaginaires à mettre en place ensemble. »
Peu à peu, Madjid obtient des aides, un accompagnement, notamment de la part de Ronalpia, un incubateur régional qui accompagne les entreprises sociales d’Auvergne-Rhône-Alpes. Il peut louer un espace de coworking, effectue une étude de marché. Il s’inspire d’autres aventures réussies, proches de la sienne, telle que La Boutique sans argent, lieu de don collaboratif à Paris.
Un projet de cité circulaire
En 2019, la métropole de Saint-Etienne a initié un projet de « cité circulaire », abandonné suite au premier confinement. Le projet, de nouveau d’actualité au printemps dernier, intéresse Madjid, qui a pu en rencontrer les principaux responsables. « L’idée, c’est que mon tiers lieu d’environ 4 000m2, soit une sorte de modèle inspirant à ce futur lieu travaillé par la métropole. Si le projet est aujourd’hui en phase d’idéation, il réunit les différents acteurs de l’économie circulaire sur la métropole. » Avec le temps, et aussi une bonne dose de volonté, Madjid a su fédérer de nombreuses personnes autour de son projet d’insertion, et plus largement, de lieu de vie et d’échanges.
« Aujourd’hui sans les dons des salariés et retraités d’EDF notamment, je n’en serais pas là, je n’aurais jamais repris mes études ! Je suis devenu légitime en tant qu’entrepreneur au service des autres et cela me plaît. Si j’avais un message à faire passer ? « Vos dons m’ont permis d’être ce que je suis aujourd’hui ! Il y a parfois de belles histoires, quand on a envie, on peut. Il faut y croire ! »