Faire de la finance pour faire de la finance ? Tel n’est pas le credo de Jean-Christophe Guillou. Responsable du pôle retraite et épargne salariale à la direction Finance d’EDF, il est à l’origine du Fonds « EDF Solidaire et bas-carbone ». Ce fonds d’épargne pionnier conjugue écologie, solidarité et performance. Une expertise qu’il met aussi, bénévolement, au service du Fonds Agir Pour l’Emploi EDF en tant que président de son comité d’investissement. Portrait.
« J’ai toujours dit que je ne travaillerai pas dans la finance, et voilà que j’en fais ma carrière ! », annonce, non sans humour, Jean-Christophe Guillou, 48 ans, aujourd’hui responsable de l’épargne salariale et du pôle Retraite d’EDF. Derrière ses lunettes rondes, on sent la bienveillance et l’humilité.
Des chiffres, des lettres et des statistiques
Originaire de Neufchâteau, dans les Vosges, Jean-Christophe tient à se rappeler d’où il vient. « J’ai grandi au sein d’une famille modeste, mais généreuse d’oncles et de tantes, très rurale, entre blés et montagnes. » Matheux, il se dirige vers des études scientifiques. Curieux de nature, la lecture n’a jamais été très loin. « Je me suis plongé dans une prépa Math sup Math Spé à Nancy et j’ai ensuite intégré à Paris l’ENSAE, l’école nationale de statistiques et d’analyses économiques. J’en suis ressorti avec un diplôme d’actuariat et un DEA en statistiques. Une fois la tête sortie des chiffres, je me suis mis à dévorer des livres au rythme d’un roman par semaine… » À 23 ans, il cherche un premier emploi dans les assurances : « C’est une forme de finance, mais ni de la finance de marché, ni de la finance bancaire ». Ne trouvant pas de débouchés, il se tourne vers la BNP où il a effectué un stage, et qui lui propose de l’embaucher.
Trouver du sens
Rapports de gestion, reporting des performances financières de BNP… En 2001, il évolue sur un poste où il gère des fonds internationaux, mais aussi des fonds d’épargne salariale et de la recherche quantitative. « On parle aujourd’hui de « data scientist », j’étais un de ces statisticiens. Ce métier nécessite beaucoup de polyvalence et, surtout, de replacer les résultats dans un contexte bien précis. » Le contexte ? En 2006, une actualité le marque tout particulièrement : celle de l’OPA de Mittal sur Arcelor. « L’histoire de cette belle entreprise française vendue à des intérêts étrangers avec des présentations plus ou moins fallacieuses de la part des analystes m’a choqué. Cela avait-il un sens de faire de la finance de façon si conjoncturelle ? J’ai voulu aller voir du côté des institutionnels qui ont un horizon d’investissement plus long… »
Cela tombe bien, EDF recrute. Jean-Christophe se retrouve dans une équipe plus petite et agile. Responsable des actifs retraite, il s’occupe plus tard d’un autre volet, celui de l’épargne salariale.
« Il s’agit là de l’argent des salariés. Ce qui me plaît, c’est avant tout le contact humain, j’ai pu découvrir le Groupe à ce moment-là ! »
Ce sont en effet les représentants des salariés, travaillant aux quatre coins de la France, qui prennent les décisions et viennent le rencontrer. Jean-Christophe découvre alors le dialogue social d’un grand Groupe, il intervient en appui pour les informer des performances financières de différents fonds : « C’était une chance car c’est vraiment un rôle à part à la direction Finance ! »
Solidaire et bas carbone
En 2020, il décide de se retrousser les manches avec les organisations syndicales, la direction des ressources humaines et la direction Impact pour imaginer un Fonds d’épargne salariale pas comme les autres : « Nous souhaitions mettre en place un fonds qui corresponde aux valeurs du Groupe et à sa Raison d’être. » Nous sommes alors entre deux confinements. La crise sanitaire se double de prises de consciences fortes. Jean-Christophe se souvient :
« Mettre du solidaire à la place du monétaire et réussir à obtenir la même performance financière était pionnier, mais cela pouvait aussi sembler paradoxal pour certains… »
Comment ça marche ? Proposé dès 2021 aux 206 000 salariés et retraités du groupe EDF, ce Fonds ambitionne de limiter le réchauffement climatique en investissant dans des obligations et des actions de sociétés qui émettent moins de gaz à effet de serre avec une visée pragmatique, celle des Accords de Paris. En parallèle, 10 % du fonds sont dédiés à des PME qui œuvrent pour le retour à l’emploi des personnes qui en sont éloignées, ou encore à des startups qui développent une activité bas carbone. « OVL, par exemple, en Isère, une entreprise pionnière de la conversion des véhicules thermiques en véhicules électriques. » Solidaire et bas carbone, le Fonds décroche le Trophée de « l’épargne salariale durable » et est aussi récompensé par les Prix EDF Pulse internes. « Je suis fier de ce projet », confie Jean-Christophe pour qui finance et solidarité sont loin d’être incompatibles. La preuve, en juin dernier, il décide de devenir bénévole au FAPE EDF.
Président du Comité d’investissement du FAPE EDF
« Devenir bénévole pour le FAPE EDF s’est présenté à moi comme une évidence ». Depuis juin dernier, il est le nouveau président du comité d’investissement du FAPE. S’il y passe pas mal de ses samedis, il pense aussi que « partager mon expérience est quelque chose de normal. Si tout ce que j’ai accumulé de connaissances en 25 ans peut servir, je le partage ! » Donateur depuis quelques années déjà, passer par la case bénévolat lui a aussi permis de voir le FAPE EDF autrement : « Du fait de mes origines, je pense que l’emploi est un facteur d’intégration social essentiel. J’ai découvert un dispositif très professionnel, avec une équipe de bénévoles engagés. Leur travail est impressionnant, je pense que cela n’est pas suffisamment valorisé. » En effet, ce sont des salariés bénévoles – experts sociaux et financiers – qui instruisent les demandes d’aide financière qui arrivent au FAPE : « D’anciens cadres dirigeants à la retraite, mais aussi des salariés qui participent aux comités d’engagement du FAPE. Faire un don, cela aboutit à du concret, puisqu’ils vont pouvoir aider au développement de structures vertueuses pour les hommes comme pour la planète. » Aujourd’hui, il gère la trésorerie du FAPE et propose, lors des deux conseils d’administration annuels, une stratégie au bénéfice du Fonds.
« Être bénévole pour le FAPE EDF, ça compte ! J’encourage les salariés à faire un don ou à devenir bénévole. Pour les personnes partant en inactivité, c’est un beau moyen de garder le lien avec l’entreprise. Pour les autres, comme moi, c’est aussi une façon de donner de son temps de façon solidaire. »
Parce qu’on le sait bien, le temps, ce n’est pas que de l’argent…
Texte : Sophie Guichard